Thématique 2025

VILLES PHARES :

Venise, Londres, Vienne, Paris, New York

En 2025 pour sa 31ème édition, La Folle Journée s’intéresse à des villes qui ont joué à un moment de leur histoire un rôle capital dans l’évolution de la musique. Force est de constater en effet que l’histoire de la musique s’est construite autour de quelques grandes cités devenues d’extraordinaires centres de culture et de création. Telles des phares éclairant le monde, ces villes particulières ont à un moment donné attiré les plus grands génies et concentré l’essentiel de la vie artistique et musicale, marquant à jamais l’histoire de la civilisation par leur influence et leur rayonnement.

VENISE (XVIIe siècle)
Venise est entre 1600 et 1750 un centre très important pour le développement de la musique en Europe. Avec des compositeurs tels que Gabrieli, grand compositeur de musique sacrée, Monteverdi, considéré comme le père de l’opéra baroque, auteur par ailleurs des Vêpres de la Vierge et de madrigaux connus dans toute l’Europe, puis Cavalli son successeur, la ville joue un rôle clé dans l’émergence de l’opéra et le développement de la musique sacrée, qui s’organise autour de la Basilique Saint-Marc. Venise est également à cette époque un centre très important pour le développement de la musique instrumentale : avec Albinoni et surtout Vivaldi - lui-même influencé par Corelli et qui reste sans doute le plus célèbre des compositeurs vénitiens -, le violon est roi et de nouvelles formes musicales voient le jour - le concerto notamment -, qui vont influencer toute la musique européenne cependant que l’orchestre se développe avec l’essor de l’opéra. Attirant à cette époque de grands compositeurs étrangers tels que Schütz ou Haendel, Venise et ses compositeurs exerceront en retour une réelle influence sur Bach, qui a notamment transcrit plusieurs concertos de Vivaldi.

LONDRES  (XVIIIe siècle)
Londres devient dès le début du XVIIIe siècle et à la faveur de sa prospérité économique, le centre d’une vie musicale particulièrement riche et foisonnante, qui la place au cœur de la scène musicale baroque et pré-classique. Ville cosmopolite, elle attire à cette époque des musiciens de toute l’Europe, notamment d’Allemagne, d’Italie et de France. Au premier rang d’entre eux, Haendel, compositeur allemand et acteur majeur de la vie musicale londonienne durant 40 ans, auteur notamment du Messie et compositeur de musique royale. Un peu plus tard Jean-Chrétien Bach, fils cadet du grand Jean-Sébastien, établi à Londres, est le créateur avec Carl Friedrich Abel de la fameuse série de concerts “Bach-Abel Concerts” et se produit en concert sur un tout nouvel instrument : le pianoforte. En 1764, sa rencontre avec le jeune Mozart lors de son séjour à Londres s’avère décisive pour ce dernier, qui compose ses premières symphonies et ses premières sonates pour piano et violon en s’inspirant des œuvres de son aîné. Londres joue également un rôle crucial dans la carrière de Haydn, qui y effectuera après 1790 deux longs séjours à l’initiative du grand impresario et figure centrale du milieu musical londonien, Johann Peter Salomon. Il compose à cette occasion ses dernières symphonies, les magnifiques “londoniennes”, et ses trios les plus audacieux.

VIENNE  (milieu du XVIIIe siècle jusqu’aux premières années du XXe)
Vienne émerge dans la seconde moitié du XVIIIe siècle comme une capitale musicale de tout premier plan, dont la grandeur et le rayonnement s’étendent jusqu’aux premières années du XXe siècle. Véritable centre de la musique classique en Europe, elle représente l’âge d’or du classicisme avec Haydn et Mozart - sans oublier Salieri, compositeur de renom et pédagogue influent, Hummel, élève de Mozart, et Clementi, l’un des premiers virtuoses du piano. Resté trente ans en Hongrie au service du Prince Esterházy, Haydn rejoint Vienne en 1790 et devient une figure dominante de l’incontournable cité musicale. Compositeur célébré dans toute l’Europe, notamment à Londres où il effectue deux longs séjours -, il a déjà écrit à cette époque la majeure partie de son œuvre mais ces ultimes années viennoises voient encore naître les derniers quatuors à cordes, les dernières sonates pour piano et de vastes oratorios inspirés de ceux de Haendel. Mozart s’établit définitivement à Vienne en 1781, après sa rupture avec l’archevêque Colloredo de Salzbourg. Jusqu’à sa mort prématurée dix ans plus tard, il compose dans la capitale autrichienne d’innombrables chefs-d’œuvre : l’essentiel de la musique de chambre, la majorité des concertos pour piano et le concerto pour clarinette, les dernières symphonies et quatre de ses plus beaux opéras. Au seuil du romantisme, Beethoven qui a passé la majeure partie de sa vie dans la capitale autrichienne - il y arrive en 1792 - en est bien sûr la figure majeure ; il y composera l’essentiel de son œuvre et son aura est extraordinaire à Vienne et au-delà. Au même moment, la scène opératique viennoise s’ouvre aux opéras de Weber (Der Freischütz) et plus encore, à ceux de Rossini qui triomphent dans la capitale autrichienne (Le Barbier de Séville, La Pie voleuse...) cependant que Schubert, véritable enfant de Vienne dont il ne s’éloignera jamais durant sa courte vie, édifie discrètement toute son œuvre dans l’ombre de Beethoven et loin des fastes de l’opéra. La capitale autrichienne continue tout au long du XIXe siècle à jouer un rôle clé avec Brahms, héritier de la grande tradition allemande et dernier grand musicien romantique, établi à Vienne à partir de 1863, Bruckner, Mahler, qui compose l’essentiel de son œuvre à Vienne et en dirige l’opéra, Richard Strauss et les compositeurs de la Seconde École de Vienne - Schönberg son chef de file, Berg et Webern ses disciples -, sans oublier les Strauss père et fils, qui contribuent à répandre la valse dans toute l’Europe et dont l’inspiration et le style sont une expression privilégiée de l’esprit viennois au crépuscule de l’Empire austro-hongrois.

PARIS  (fin XIXe-milieu XXe siècle)
Au tournant des XIXe et XXe siècles, Paris s’affirme à son tour comme un centre majeur pour la musique classique en Europe, devenant cette “ville-Lumière” capable d’attirer des artistes du monde entier. En 1900, l’Exposition universelle de Paris constitue un évènement d’une ampleur exceptionnelle qui voit se succéder dans la capitale les plus grands artistes et compositeurs de l’époque : des français bien sûr - Saint-Saëns, Dukas, Fauré et indirectement Debussy -, naturellement beaucoup de compositeurs étrangers parmi lesquels Puccini, Mahler, Richard Strauss, Busoni, Janácek, Rimski-Korsakov, Albéniz ou Granados, et des personnalités telles que Serge Diaghilev, fondateur des Ballets russes dont l’influence sera déterminante. Et tandis que Debussy et Ravel, compositeurs les plus novateurs au tournant du siècle, poursuivent sur la voie du renouveau de la musique française, Paris se révèle particulièrement inspirante pour les musiciens espagnols venus étudier et travailler dans la capitale - Manuel de Falla, Turina, Albéniz, Granados, Rodrigo... - et qui exerceront à leur tour une influence profonde sur la musique française, dans un climat d’émulation artistique des plus fructueux.

NEW YORK  (XXe siècle)
De l’autre côté de l’Atlantique, New York devient au XXe siècle également un épicentre de la musique dans le ––monde, sous l’influence de compositeurs tels que Gershwin, Bernstein, Copland, John Cage, et plus récemment Steve Reich, Philip Glass et David Lang. Jouant un rôle majeur dans le développement de la musique classique aux États-Unis, avec la fondation d’orchestres de tout premier plan et la création de prestigieuses salles de concert, elle attire nombre de compositeurs et d’artistes européens, notamment Maurice Ravel, grand admirateur de Gershwin et dont l’œuvre se ressent fortement de l’influence du jazz. Berceau de la comédie musicale, dont Broadway devient dans les années 50 le centre mondial, New York s’affirme aussi comme un haut lieu du jazz, qu’elle est toujours aujourd’hui. Ville cosmopolite s’il en est, cultivant un éclectisme détonant, elle a toujours abrité une infinie variété de styles musicaux dont plusieurs, notamment le hip-hop, sont nés à New York.

En dehors de ces villes phares, quelques autres villes dans le monde - Leipzig, Prague, Saint-Pétersbourg, Budapest notamment, et en d’autres temps Alep en Syrie - ont joué à un moment donné un rôle très important pour le développement de la musique et sont restées célèbres pour leur riche héritage musical. Elles seront mises en lumière à travers des concerts spécifiques.

Une journée à Leipzig
Située en Saxe à l’Est de l’Allemagne, Leipzig est connue pour avoir été la ville de Bach, qui fut durant 27 ans le Cantor de l’église Saint-Thomas - dernière étape de sa longue carrière, qui vit naître la majeure partie de ses œuvres de musique sacrée. Plus tard au XIXe siècle, Mendelssohn, créateur du premier conservatoire d’Allemagne et directeur du fameux orchestre du Gewandhaus, et Schumann, qui y vécut plusieurs années et y composa ses plus belles œuvres pour piano, l’ont marquée de leur présence.

Une journée à Prague
Considérée comme le conservatoire de l’Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec des musiciens tels que Biber ou Zelenka, la capitale tchèque est très liée à Mozart qui noua une relation très privilégiée avec cette ville où furent notamment créés ses opéras Don Giovanni et La Clémence de Titus. Au XIXe siècle, Prague continue d’être le cœur musical de l’Europe centrale avec Smetana, Dvorák, Janácek, puis Martinů et Josef Suk.

Une journée à Saint-Pétersbourg
Au XIXe siècle Saint-Pétersbourg, alors capitale de la Russie impériale, devient le centre d’une riche vie musicale. Recevant la visite d’illustres compositeurs étrangers - Liszt, Schumann, Berlioz, Verdi, Wagner -, elle voit à cette époque la naissance de l’école russe et la formation, vers 1860, du fameux “groupe des Cinq” constitué de Balakirev, Moussorgski, César Cui, Borodine et Rimski-Korsakov. Saint-Pétersbourg s’affirme dans le même temps comme un haut lieu de la tradition musicale russe avec la fondation du Conservatoire par Anton Rubinstein, où s’illustreront notamment Rimski-Korsakov, Tchaïkovski et Chostakovitch.

Une journée à Budapest
Centre majeur de la musique classique en Europe de l’Est, Budapest est riche d’une tradition musicale souvent puisée aux sources du folklore. Liszt à l’époque romantique, puis Bartók, Kodály, Ligeti, Dohnányi et Lajtha au siècle suivant sont les compositeurs emblématiques de cette grande cité musicale.

Une journée à Alep
Au Nord-Ouest de la Syrie, Alep est l'une des plus anciennes villes habitées du monde. Au carrefour de nombreuses civilisations et traditions, elle a été influencée notamment par les Arabes, les Perses, les Ottomans, les Byzantins et les chrétiens d’Orient, influences qui ont contribué à façonner une tradition musicale d’une richesse inouïe et qui s’étend sur plusieurs siècles. Symbole de son identité culturelle, sa musique n’a eu de cesse d’être transmise et célébrée à travers le monde.

Texte : René Martin, Directeur Artistique